3ème Maison de Bourbon ( 2ème partie)
Jean Ier, Charles Ier, Jean II, Charles II et Pierre II)
Lorsque Jean Ier succède à Louis II en 1410, il prend le parti des Armagnacs, vers lequel inclinait déjà son père. Les Bourguignons envahissent alors le nord-est du Bourbonnais et menacent Moulins.
Sa mère, Anne d’Auvergne, réussit à les contenir et négocie un mariage entre les deux familles, ce qui met fin à l’invasion. Jean Ier est fait prisonnier lors de la bataille d’Azincourt. Il restera dix-huit ans prisonnier en Angleterre (dans des conditions toutefois très confortables) où il mourra. Pendant la captivité du duc, Marie de Berry administre le Bourbonnais. Charles, fils de Jean Ier, comte de Clermont, épouse contraint et forcé Anne de Bourgogne, fille de Jean sans Peur, en 1425. En 1429, Jeanne d’Arc séjourne à Moulins, et à la demande de Charles s’empare de St Pierre le Moutier.
Charles Ier devient duc en 1434. Après une guerre éclair perdue contre les Bourguignons il s’efforce de rester neutre entre le parti du dauphin et celui du duc de Bourgogne, ce qui arrange tout le monde, aucun des clans n’étant désireux de voir ce vaste domaine, même fortement affaibli, passer résolument du côté adverse. Charles Ier change souvent de camp au cours des hostilités -ce qui lui vaut une réputation posthume peu flatteuse- puis finit par se poser en conciliateur. Il participe activement aux tractations du Traité d’Arras.
La révolte de la Praguerie
Pendant la guerre avec la Bourgogne, Charles Ier avait eu recours à des mercenaires. Ceux-ci étaient souvent restés sur place et terrorisaient les habitants. Parmi eux deux demi-frères bâtards du duc et un célèbre aventurier, Villandrando. Celui-ci était devenu tellement influent qu’il s’était même marié avec une fille naturelle du duc Jean Ier, et avait récupéré la seigneurie d’Ussel et celle de Montgilbert. Le roi Charles VII, pressé par une conspiration dont fait partie le duc, vient en Bourbonnais, occupe Montmarault et chasse Villandrando et nombre de routiers, aidé ponctuellement en cela par des paysans excédés par leurs exactions. Pour éviter que ce genre de situation ne se reproduise, le roi décrète que nul autre que lui ne peut lever des gens de guerre -sauf autorisation expresse- ou nommer des capitaines. Cette grave atteinte aux privilèges des féodaux passe très mal parmi les seigneurs.
Les nobles se rebellent : c’est la révolte de la Praguerie, à laquelle participent les grands feudataires, dont Charles Ier, et le dauphin en personne -le futur Louis XI. Le roi réagit vigoureusement : il envahit le Bourbonnais au printemps 1440, et bientôt tout le sud du duché tombe : Chambon, Evaux, Montaigut en Combrailles, Ebreuil, Escurolles, Charroux, Aigueperse, St Pourçain, Vichy, Cusset, Varennes, Lapalisse… Le duc et ses alliés, réfugiés à Moulins, comprennent que leur cause est perdue et se rendent à Cusset où se trouvait le roi pour lui demander son pardon. La paix est signée le 17juillet 1440 à Cusset et le roi pardonne effectivement aux rebelles. Il en profite pour prévoir le mariage de sa fille Jeanne avec le comte de Clermont, futur Jean II (mariage effectif en 1446). Pendant ce temps, la guerre de Cent Ans tourne de plus en plus à l’avantage des Français et se terminera officiellement en 1475.
La Ligue du Bien Public
Jean II succède à Charles Ier en 1456. Du temps où il était comte de Clermont, il s’était déjà fait remarquer sur le champ de bataille pendant la guerre de Cent Ans, à tel point qu’il était surnommé “le Fléau des Anglais”. Mais le roi Louis XI, roi centralisateur, veut reprendre l’ascendant sur les nobles du pays. En 1461, il retire à Jean II le gouvernement de la Guyenne et sa pension. D’autres grands nobles sont également victimes de mesures vexatoires.
En 1464, sous la houlette du duc de Berry, le frère du roi, et du comte de Charolais, ils créent la Ligue du Bien Public, dont fait partie Jean II, dans le but de remplacer le roi par un régent. La guerre est inévitable. En 1465 les armées royales envahissent à nouveau le Bourbonnais. Le roi et ses alliés, dont le duc de Milan, prennent St Amand Montrond et Montluçon, St Pourçain, Verneuil, Escurolles, Gannat, Billy, ravagent le Forez et le Beaujolais, mais Moulins résiste. Jean II contre-attaque en occupant la Normandie et l’Orléanais. Pendant ce temps les troupes royales qui étaient remontées en hâte vers le nord affrontent les Bourguignons (encore eux) au sud de Paris. Le roi se replie dans Paris qui se retrouve assiégée par les Bourguignons et les Bretons, rejoints par d’autres. Voyant que l’issue du conflit était très incertaine, le roi préfère faire la paix vers la fin d’année 1465, par trois traités séparés. Certains des frondeurs sont punis, d’autres pardonnés et même récompensés. Jean II, que leroi ne souhaitait pas s’aliéner durablement, retrouve sa pension et est nommé lieutenant général, ce qui lui donne autorité sur tout le centre et le sud de la France. Il est aussi nommé dans le nouvel Ordre de St Michel. Mais le roi joue double jeu : pour affaiblir Jean II, il marie en 1474 sa fille Anne de France au frère de celui-ci, Pierre de Bourbon, dit Pierre de Beaujeu. Il oblige aussi Jean II à donner en apanage à Pierre et Anne le Beaujolais, le comté de Clermont (en Beauvaisis), la Marche et la Combraille. A la mort du roi Louis XI, Anne de Beaujeu exerce la régence car Charles VIII n’a que treize ans. Le jeune roi nomme la même année (1483) Jean II connétable de France. Jean II fut pendant son règne un grand mécène ami des arts, entretenant une cour brillante à Moulins, et s’essayant lui-même à la musique et à la poésie.
Jean II meurt sans héritier légitime. C’est son frère, Charles II, cardinal archevêque de Lyon et Primat des Gaules, qui lui succède en 1488. Il avait fait partie du conseil du roi Louis XI avec Pierre de Beaujeu, et était le parrain du roi Charles VIII. Mais lorsqu’il devient duc de Bourbon, il est âgé pour l’époque, -54 ans- et usé par les plaisirs. Et surtout il a en face de lui Anne de France, régente du royaume -régence qu’elle prolongera presque sept ans après la majorité légale de Charles VIII-, maîtresse femme ambitieuse au caractère bien trempé, rompue à l’exercice du pouvoir et aux roueries de la politique, dont le roi Louis XI avait dit d’elle : “elle est la moins folle des femmes de France, car de sage il n’y en a point” et dont les chroniqueurs s’accordaient à dire que mis à part pour le sexe, le charme et la grâce, elle n’était point différente des hommes (ce qui, vu la misogynie de l’époque, était un sacré compliment). Dès le début de la régence, Anne avait dû contenir une révolte des grands nobles qui voulaient la régence (la Guerre Folle, emmenée par le duc Louis II d’Orléans, futur roi Louis XII) et mener la guerre contre le duc de Bretagne puis préparer le rattachement de la Bretagne au royaume. Sans coup férir, elle s’empare de Moulins et des principales places fortes bourbonnaises, et après quelques semaines Charles II est contraint d’abandonner ses droits et ses titres moyennant une rente viagère. Il décède quelques mois plus tard.
Pierre II devient duc en 1488 donc, et Anne devient duchesse à plein temps à partir de 1491 : depuis le mariage du roi Charles VIII avec Anne de Bretagne elle n’a plus en charge la régence, et peut se consacrer entièrement au Bourbonnais. Ils passent à la postérité sous le nom de Pierre et Anne de Beaujeu, du nom de la seigneurie qu’ils détiennent dans le Beaujolais. Sous leur règne, le Bourbonnais atteint ses dimensions maximales et aussi son apogée culturelle et politique. Il devient un véritable Etat dans l’Etat. Depuis le rattachement de facto de la Bretagne, c’est le dernier duché encore indépendant. Il comprend, outre le Bourbonnais proprement dit, l’Auvergne, la Marche, le Beaujolais, le Forez, Clermont en Beauvaisis, et les apports de Pierre II : les comtés de Gien et de Châtellerault, les vicomtés de Carlat et Murat, la seigneurie de Bourbon Lancy. Ils sont aussi princes de Dombes, en terre d’Empire, principauté pour laquelle ils ne relèvent donc pas du roi. De par toutes les charges honorifiques qu’ils ont accumulées, et grâce aux revenus de leurs vastes territoires, les ducs disposent d’énormes moyens financiers, largement comparables à ceux de la couronne. Pendant la campagne d’Italie de Charles VIII (1494-1495), la France est confiée à Pierre II qui administre le pays depuis Moulins. Le palais ducal de Moulins est agrandi (actuel pavillon Anne de Beaujeu) dans le nouveau style à la mode découvert en Italie : la Renaissance. A la Cour de Moulins se pressent les plus grands artistes et lettrés (dont le fameux Maître de Moulins, peintre du triptyque de la Vierge). De grands travaux sont aussi entrepris à Bourbon et surtout à Chantelle où Anne réside souvent. A la mort du roi Charles VIII en 1498, les ducs ne s’opposent pas à Louis d’Orléans, qui devient Louis XII et fait annuler son mariage avec Jeanne de France (la sœur d’Anne) pour se remarier avec Anne de Bretagne, veuve de Charles VIII. Pierre II meurt en 1503 et a droit à un enterrement grandiose. Anne de France continue de diriger le Bourbonnais avec habileté. Mais elle est inquiète : de son mariage avec Pierre était né un fils, Charles, comte de Clermont, qui malheureusement est mort jeune (1476-1498). Ils ont eu une fille sur le tard, Suzanne, née en 1491 (Anne avait 30 ans et Pierre 53 ans). Suzanne n’a pas un physique agréable et est de faible constitution. En vertu du testament de Louis II (vous vous rappelez ?), l’avenir du duché semble bien sombre…
(source « micbourbonnais.free.fr »)
Les sites
Moulins – Le Tryptique du Maître de Moulins dans la cathédrale
Moulins – Le Pavillon Anne de Beaujeu
Chantelle – L’Abbaye