Epoque : XII° – XV°- Protection : ISMH (1929)
Propriétaire : privé
Visite : non
Adresse : Rue Roussat 03220 Chavroches
Vidéo : Chavroches
Situation
Chavroches est à 34 km au sud-est de Moulins et à 37 km au nord-est de Vichy
Histoire :
Au sommet d’une colline abrupte est verdoyante s’élèvent les ruines du vieux château fort de Chavroches, un imposant donjon carré et une muraille d’enceinte avec des tours d’angle.
L’église actuelle datant de la fin du XIème siècle aurait été construite à l’emplacement de la première. Chaveroche est l’ancienne écriture du nom du village.
En tout cas, en 1898, en effectuant des fouilles dans le sous-sol de l’église, on a trouvé une tombe renfermant trois squelettes parfaitement conservés. L’un d’eux est celui d’une jeune femme dont la blonde chevelure était encore intacte. Cette découverte a rappelé une ancienne légende dont le souvenir persistait dans la mémoire des plus vieilles gens du pays.
La Légende :
A l’époque où se passe cette histoire le vieux baron, propriétaire du manoir, avait chaque jour à sa table, nombre de seigneurs et de chevaliers qui venaient de tous les pays avoisinants. Certes l’hospitalité du baron était renommée, et les chasses qu’il donnait magnifiques, mais cela ne suffirait pas à expliquer une telle affluence de visiteurs, si je ne vous disais que le château de Chaveroche renfermait alors Jeanne, la belle blonde aux yeux d’or, fille du baron et merveille de tout le Bourbonnais.
Jeanne était blonde comme les blés, ses grands yeux au reflet d’or, profonds et ses lèvres d’un dessin exquis et pur, ses cheveux dont les boucles soyeuses descendaient librement sur ses épaules, son teint de lis et de roses en faisaient une créature étrangement belle et désirable.
Cependant pas un des hôtes de son père ne pouvait se flatter d’avoir obtenu d’elle le moindre mot d’espoir ; elle accueillait les madrigaux les plus galamment tournés et les déclarations les plus brûlantes avec un sourire également moqueur.
Mais le soir quand tout dormait au château, une voix douce et fière montait dans la vallée, chantant une romance de ce temps-là :
Dame dont le sourire
Captive pauvre cœur
Qui souffre et n’ose dire
L’excès de sa douleur ;
Ah ! Laisse-toi fléchir,
Ou me faudra mourir !
Jeanne sortait alors du château par une issue secrète, et bientôt se trouvait dans les bras du chanteur Raoul de Montcombroux, beau damoiseau et ménestrel accompli. Ils s’aimaient d’un fol amour et Jeanne, la blonde aux yeux d’or, avait juré à Raoul de n’appartenir jamais à un autre homme.
Or un jour Raoul dut quitter sa maîtresse pour aller guerroyer au loin. Deux ans se passèrent sans que Jeanne, dont le teint était devenu pâle et dont un cercle de bistre estompait les yeux, reçut de son bien-aimé la moindre nouvelle.
Cependant son père qui se sentait mourir, la pressait davantage de prendre un mari. Et devant les refus obstinés de son enfant le vieux seigneur se faisait un chagrin mortel.
Trois ans s’étaient écoulés sans nouvelles. Le baron déclara à sa fille que, si elle n’acceptait pas pour mari son cousin Guillaume de Jaligny, elle ferait son désespoir, et qu’il mourrait en la maudissant. La pauvre Jeanne, désespérant de ne jamais revoir son ami, finit par consentir. Et Guillaume, grand chasseur et formidable buveur, devint l’heureux époux de la merveille du Bourbonnais, Jeanne aux yeux d’or.
Trois années s’écoulèrent. Une nuit, sire Guillaume, revenu de la chasse, dormait d’un profond sommeil aux côtés de sa jeune épouse. Soudain une voix vibrante se fit entendre dans la vallée :
Dame dont le sourire
Captive pauvre cœur
Qui souffre et n’ose dire
L’excès de sa douleur…
C’était Raoul qui revenait, chevalier et capitaine, demander la main de celle qu’il n’avait jamais oubliée.
Au son de sa voix Jeanne se mit à trembler si fort qu’elle réveilla son mari. Raoul continuait sa chanson :
Ah ! Laisse-toi fléchir,
Ou me faudra mourir !
Quel est l’étrange fou qui vient ainsi troubler notre repos ? s’écria sire Guillaume réveillé tout à fait.
Ah ! Laisse-toi fléchir,
Ou me faudra mourir !
répétait le chanteur.
– Oh ! qu’est ceci, gronda Sire Guillaume. Par ma foi, madame, je veux voir l’audacieux qui vient à cette heure vous dire des chansons d’amour ? Et s’habillant en hâte il ceignit son épée et sortit par une porte basse. Quelques minutes après Jeanne de plus en plus tremblante, entendit des blasphèmes, puis deux grands cris qui réveillèrent tout le pays.
Affolée, la pauvre femme s’élança à demi-nue par le chemin que son mari venait de suivre, en appelant d’une voix déchirante : Raoul, Raoul !
Mais seules les chavoches répondaient à ses cris par des hurlements plaintifs. Enfin la lune émergea au-dessus des nuages et Jeanne vit à ses pieds les cadavres de son époux et de son fiancé, enlacés dans une dernière et mortelle étreinte.
S’agenouillant Jeanne prit dans ses bras la tête pâle de Raoul et la couvrit de baisers passionnés, puis elle se releva et tirant le poignard de son amant se le plongea par deux fois dans la poitrine.
Le lendemain on releva les trois cadavres. On ne put séparer Guillaume de Raoul tant les corps s’étreignaient sauvagement, et on les mit tous les deux, ainsi que Jeanne, dans une même tombe creusée sous le chœur de l’église. Au lieu où se passa la bataille on éleva une haute croix de pierre, et il paraît que, maintenant encore, par les longues nuits d’automne, en cet endroit, on entend parfois un couplet plaintif suivi de cris lamentables : c’est Jeanne, la blonde aux yeux d’or, qui répond à la chanson de son fiancé.
(source : docteur Georges Piquand)